Études

Étude sur les hypermarchés alimentaires

Dans un contexte macroéconomique plutôt favorable, caractérisé par le renforcement de l'économie mondiale et  l'amélioration des conditions d'investissement, les grandes entreprises du secteur du commerce alimentaire de détail ont retrouvé la croissance. Bien que le commerce international se soit redressé et que la productivité globale du travail ait augmenté, un certain nombre d’incertitudes et de risques subsistent, résultant du retrait de la Grande Bretagne de l’Union européenne, de la décision des  États-Unis de renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain, des sanctions contre la Russie, des tensions géopolitiques et de la croissance de l’aversion au risque.

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Les hypermarchés alimentaires ont enregistré une activité croissante ces dernières années, malgré les multiples défis et l’essor des concurrents non-traditionnels tels que le commerce électronique. Le présent rapport examine les résultats de 40 grandes entreprises du secteur et montre que les ventes ont globalement augmenté de 5,1% en 2017, après une période moins positive en 2015-2016. La marge brute globale des entreprises analysées a fortement augmenté en 2015 (+5%), tandis que la marge d’EBITDA s’est maintenue à environ 6% des ventes. En termes de revenus nets, le secteur reste profitable, même si les niveaux observés en 2012-2013 ne sont pas retrouvés ; globalement, les 40 sociétés analysées ont réalisé un bénéfice net cumulé de de 34,3 milliards de dollars en 2017, inférieur à 46 milliards de dollars en 2013.

La baisse relative de la profitabilité s’explique en partie par l’intensification de la concurrence et par l’augmentation des frais de marketing et d’administration, mais également par le fait que les entreprises ont étendu leur présence dans des régions moins rentables ou des segments encore en développement, tels que le commerce de détail hybride associant les plates-formes en ligne avec les magasins physiques, qui n’ont pas n’ont pas encore atteint leur maturité et leur plein potentiel financier.

La plupart des sociétés sont toujours rentables et bénéficient des flux de trésorerie croissants leur permettant de faire des investissements et d’étendre leur présence sur le marché tant, à la fois par la croissance organique (interne) et par des fusions et acquisitions. La valeur cumulée des actifs des 40 sociétés analysées a atteint le plus haut niveau de 995 milliards de dollars en 2017, soit une augmentation de plus de 10% en deux ans, tandis que la valeur des immobilisations corporelles a augmenté de 7% au cours de la même période.

Les coûts de la croissance ont été largement couverts par les flux de trésorerie provenant des activités opérationnelles et, bien que le secteur ait enregistré une augmentation de la valeur des actifs, le niveau d'endettement a diminué ces dernières années sans affecter les flux de trésorerie globaux. En fait, malgré une profitabilité nette en baisse, le total des flux de trésorerie disponibles des 40 sociétés examinées a atteint 41,8 milliards de dollars en 2017 (+ 18% en un an et 66% depuis 2013), dont 20 milliards de dollars ont été distribués aux actionnaires sous forme de dividendes. Les dividendes distribués équivalaient 58% du bénéfice net cumulé en 2017 et se sont généralement maintenus autour de 50% lors des dernières années.

L’emploi total du secteur a connu une croissance significative et stable, malgré l’automatisation, la robotisation et la concurrence du commerce électronique. Le nombre total d’employés des 40 entreprises analysées a atteint 8,25 millions en 2017, en hausse de 1,3 million ou 19% depuis 2012. Bon nombre des nouveaux employés provenant de petites entités achetées ne bénéficiant pas d'économies d'échelle ou d’opérations dans des marchés en développement, leur entrée dans le pool de référence entraîne une baisse des indicateurs de productivité apparents.

En règle générale, les grandes entreprises du commerce alimentaire de détail ont maintenu ou même renforcé sur le marché, leur taille en termes de nombre de points de vente et d’emploi total, ainsi que leurs niveaux de profitabilité et de flux de trésoreries, leur permettant de croître par des investissements et acquisitions, ainsi que de maintenir la distribution de dividendes aux actionnaires.

Cependant, les conditions de marché sont dynamiques et le secteur du commerce de détail change rapidement, en raison d’une gamme de tendances majeures :

  • développements de marques propres, de co-branding et d'alliances ;
  • importance croissante des produits alimentaires « locaux » ;
  • émergence de nouveaux formats de proximité ;
  • accents sur le mode de vie, la sensibilisation des consommateurs, les étiquettes propres et écologiques, les aliments biologiques ;
  • augmentation de la demande d’aliments préparés, notamment dans les pays développés ;
  • utilisation des avancées technologiques pour améliorer l’expérience d’achat, le marketing et la gestion de la chaîne d’approvisionnement ;
  • développement d’activités multicanaux, de solutions hybrides associant les plates-formes en ligne et la présence physique (par exemple, Drive), amélioration des services de collecte et de livraison ;
  • optimisation des coûts à travers des économies d’échelle afin de réduire les coûts fixes ou augmenter le pouvoir d’achat en relation avec les fournisseurs.

Dans un contexte de la montée de la concurrence, de l’évolution des préférences des consommateurs et de l’essor du commerce électronique, combinées avec des niveaux modérés d’inflation et un environnement de crédit favorable, ont conduit des nombreuses entreprises à entreprendre des opérations de fusion et d’acquisition à grande échelle visant à pénétrer de nouveaux marchés ou segments de produits. Depuis 2015, plusieurs transactions ont été vues comme potentiellement perturbatrices pour le secteur, du moins à une échelle régionale : l’acquisition de Whole Foods par Amazon.com (2017), le rachat par Walmart d'un nombre d’entreprises de commerce électronique aux États-Unis (2016-2018), la scission du groupe Metro en Allemagne (2017), l'expansion par acquisitions des groupes français Carrefour et Auchan (depuis 2015), les fusions des groupes européens Royal Ahold et Delhaize (2015) et des sociétés japonaises FamilyMart et Uny (2016), ainsi que la dernière fusion majeure annoncée entre Asda et Sainsbury's au Royaume-Uni, toujours en cours d'examen par les autorités britanniques de la concurrence.

Selon les syndicats interrogés, le secteur voit clairement une tendance d’élargissement de l’offre de produits et d’amélioration des services à la clientèle, les entreprises devenant plus agressives en termes de réduction des prix et promotions. Les développements récents ont directement influencé les travailleurs, sous forme de restructurations de personnel, d'une utilisation fréquente du travail à temps partiel et externalisé, d'une charge de travail croissante et d'une baisse du niveau de rémunération.

De nombreux pays font face à des défis similaires, notamment en ce qui concerne les relations contractuelles de travail, la rémunération, le temps de travail, les conditions de travail et l'utilisation de la technologie. La prévalence du travail à temps partiel dans le secteur est évidente, son incidence étant élevée dans au moins 11 des 20 pays étudiés. Le travail intérimaire est plutôt rare dans les pays de l'UE, mais largement utilisé en Russie, au Kenya, en Afrique du Sud, en Malaisie. Très souvent, les emplois atypiques entraînent une pression à la baisse sur les salaires et sur les conditions contractuelles, limitent la mobilité interne et les parcours professionnels, imposent une flexibilité du travail sous contraintes.

Il existe également de nombreux problèmes liés au temps de travail et à la charge de travail. Les syndicats ont évoqué l’incidence du travail prolongé et du travail intense, des heures supplémentaires et des horaires mal conçus, qui ont comme conséquence des journées de travail courtes, des équipes annulées et des situations exigeant que les employés travaillent jusqu’à l’heure de fermeture un jour donné, puis qu’ils ouvrent le lendemain matin.

Les conditions de travail sont une préoccupation pour les syndicats, en raison de la fréquence des travaux pénibles, de la précarité, des niveaux de stress élevés, de la charge de travail accrue, de la qualité médiocre de l’équipement dans les pays en développement, du travail en position debout prolongé, ainsi que dans certains cas du travail dans des refroidisseurs, dans des chambres avec un microclimat nocif, mauvais éclairage, manque de transport adéquat entre le domicile et le lieu de travail. Il existe également des facteurs sociaux et psychologiques qui influencent le confort des employés au travail, tels que le harcèlement, la pression de la part des employeurs, le stress, l’apathie et les abus des consommateurs, la discrimination fondée sur le sexe ou l’appartenance raciale, la conciliation difficile de la vie professionnelle et privée.

Une série d’autres facteurs ont également une incidence sur la situation des travailleurs dans les pays étudiés : accès limité aux formations et des possibilités restreintes de développer des compétences multiples (multi-skilling), utilisation des nouvelles technologies et digitalisation, législation du travail régressive ou limitant l’adhésion aux syndicats, manque de liberté d’organisation syndicale sans ingérence ni intimidation, des entreprises qui ne respectent pas les conventions collectives etc.

Parmi les 20 pays étudiés, seuls le Brésil et cinq pays de l’Union européenne - l'Autriche, la Belgique, la France, l'Italie et l'Espagne - négocient au niveau sectoriel. Dans douze autres pays, les conventions collectives sont négociées uniquement au niveau d'entreprise.

A la fin de l’enquête, les participants ont énuméré une série d’exemples qui montrent comment les syndicats luttent pour améliorer la situation des travailleurs dans leurs pays et qui puissent servir comme exemples de bonnes pratiques dans le cadre du dialogue transnational et de l’échange d’expériences.

Dans sa dernière partie, le présent rapport propose une série de tableaux contenant des données complètes et détaillées sur les indicateurs économiques et financiers des 40 sociétés analysées dans le premier chapitre. Ces indicateurs peuvent être utiles pour approfondir la compréhension de la situation de toute entreprise analysée par cette étude.

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