UK | LES SYNDICATS INQUIETS DES CONSEQUENCES SOCIALES DU BREXIT
La confédération des syndicats britanniques (Trade Union Congress) défend le maintien dans le marché unique européen et met en garde contre les dangers d’un Brexit dur.
Depuis le vote pour le Brexit en juin 2016, les futurs liens avec l'UE occupent une place centrale dans les préoccupations syndicales.
En octobre 2016, le syndicat Unite rappelait ses priorités pour la défense de l’emploi, des droits des travailleurs et des investissements dans l’industrie manufacturière :
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défense des emplois : le Brexit ne doit pas constituer une nouvelle attaque sur l’industrie manufacturière et les acquis sociaux ;
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maintien de l’accès au marché unique sans droits de douanes ;
- pas de déclenchement précipité de l’Article 50 sans une visions claire de ce que sera la position du Royaume-Uni hors de l’UE ;
- une place pour les travailleurs à la table des négociations.
Les mauvais résultats de l’industrie automobile britannique publiés par la SMMT ont conduit Unite à tirer la sonnette d’alarme en exhortant le gouvernement à faire preuve de davantage d’audace dans sa stratégie industrielle de transition et d’imagination s’agissant des mécanismes de stimulation de la croissance de l’économie. Le syndicat est inquiet des conséquences sociales du Brexit sur le secteur automobile, qui emploie quelque 841 000 travailleurs dont 169 000 dans la fabrication de véhicules.
À propos du Brexit, Len McCluskey, secrétaire général de Unite, déclarait : « si une majorité a voté pour sortir de l’UE, elle n’a pas voté pour des pertes d’emplois. Le Royaume-Uni va quitter l’UE et ce sont les lois de protection sociale qui sont sur la sellette. Il appartiendra aux organisations syndicales de s’opposer à cela ».
- 16. Science, technologie, ingénierie, mathématiques (STEM).
BREXIT SOCIAL POUR LES SALARIES BRITANNIQUES
Les organisations syndicales, bien que confrontées aux divisions en leur sein, ont fait le choix de la poursuite d’une critique radicale du Brexit et de la stratégie mise en place par le gouvernement de Teresa May. La raison de cet engagement est la conscience que ce qui se joue à travers le Brexit est une remise en cause de la dynamique de régulation de la relation salariale, initiée avec l’entrée dans l’Union, et un retour vers une relation purement individualisée entre le salarié et son employeur. Le Royaume-Uni pourrait tout autant devenir demain un paradis fiscal qu’un enfer social, et ceci aux portes de l’Europe.
Certains droits, dérivés des directives européennes, ont été imposés au patronat et au gouvernement anglais. La résistance à transposer les directives sur l’information-consultation des représentants du personnel, le temps de travail, les travailleurs intérimaires a été farouche. Il ne fait que peu de doute sur les tentatives à venir de remise en cause de ces droits avec le Brexit, car ils ne doivent leur survie qu’a l’appartenance à l’Europe.
Les directives européennes ont donc permis d’améliorer les conditions de travail et de rémunération des travailleurs les plus précaires. Ils pourraient être les premières victimes de la dérégulation que va enclencher le Brexit. Les lois sociales seront sûrement les premières à être discutées, car elles s’inscrivent pour la plupart dans un cadre exclusivement national et, sans protection de la Cour européenne de Justice, elles seront faciles à modifier. Certaines deviendront caduques, comme cela sera le cas pour la loi de transposition de la directive sur les comités d’entreprise européens.
QUELLES CONSEQUENCES POUR LES COMITES D'ENTREPRISE EUROPEENS ?
Il y a actuellement environ deux cents comités d’entreprise européens (CEE) de droit anglais, parmi lesquels de nombreuses multinationales américaines. Le sort de ces CEE reste à clarifier, mais les chances de les voir disparaître dans leur forme actuelle sont malheureusement élevées eu égard à la forte probabilité d’un Brexit dur.
Le sort des représentants britanniques est lui aussi matière à nombre de discussions et de spéculations. Le sort des délégués anglais dans les CEE sera réglé au cas par cas. La tendance générale, qui s’exprime actuellement dans les réunions des CEE par la voix des représentants syndicaux non britanniques ou de leur direction centrale, est celle d’une exigence de maintien de la représentation britannique. Pour Tony Burke, secrétaire général adjoint de Unite : « Il est essentiel de maintenir notre position au sein des comités d’entreprise européens afin de conserver notre capacité à influencer les processus de prise de décision des multinationales, pour leur demander des comptes. Nous n’avons pas l’intention de nous laisser exclure ».
Le lobbying des syndicats britanniques pour sauver leur participation aux CEE est à l’image de leur implication au sein de cette instance dans de nombreuses entreprises. Les salariés britanniques, ne disposant pas d’un droit très développé à l’information-consultation, le CEE est souvent le seul lieu où les représentants des travailleurs peuvent obtenir de l’information pertinente et parfois influencer les choix des directions. Le CEE est aussi le moyen privilégié d’accès à l’expertise indépendante qui reste encore marginale au niveau national, bien qu’en développement.
Les entreprises qui resteront assujetties à la directive sur les CEE
en raison des seuils d’emplois en Europe devront chercher un nouveau port d’attache pour leur comité. Les multinationales non européennes peuvent décider d’installer leur représentation où bon leur semble. Ceux qui se frottent les mains de voir de nombreux CEE anglais ainsi rapatriés vers des pays plus exigeants socialement sont sûrement très optimistes. L’Irlande pourrait être une destination privilégiée en raison de sa proximité du cadre légal britannique et de la langue commune. Certaines entreprises sont déjà passées à l’acte. Si cette dynamique s’amplifie, elle va constituer un sérieux défi pour le mouvement syndical européen.
En effet, les moyens du syndicalisme irlandais sont largement inférieurs à ceux des syndicats britanniques. Or, il reviendra souvent aux Irlandais de coordonner les négociations, mais aussi de jouer le rôle de coordinateurs des CEE et donc d’être le point central de la coopération entre les organisations syndicales et des relations avec les directions. Les syndicats irlandais commencent à s’y préparer.
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