Filière auto : qu’est-ce qui sera déterminant en 2020 ?
Alors que la fin de cycle se confirme, les déterminants de l’année 2020 sont déjà connus. Réservoir mondial de croissance, le marché chinois atteint sa maturité et le gouvernement consolide sa filière. En Europe, l’entrée en vigueur des nouvelles normes d’émissions de CO2 et la perspective d’amendes colossales devraient contraindre les constructeurs à s’adapter. En France, la loi d’orientation sur les mobilités tente de donner un nouveau cadre aux transports en les inscrivant dans la transition écologique.
Ces différents ingrédients s’ajoutent en France à une trajectoire de déclin pour l’industrie automobile. Plus que l’électrification, les réactions défensives des groupes automobiles pour protéger leurs marges accentuent les fragilités de la filière française. 2020 s’annonce d’ores et déjà comme une année difficile.
Quelles perspectives se dessinent pour la France ? Après un premier semestre 2019 stable, la fin d’année s’annonce plus creuse qu’à l’habitude et nos préoccupations portent plutôt sur la dynamique de la production à moyen terme. Plusieurs constructeurs annoncent des baisses de régimes. Leurs plans, qui reposent sur des suppressions d’équipes, des baisses de cadence ou encore du chômage partiel, s’étendent sur plusieurs années et concernent des milliers d’emplois, y compris chez les fournisseurs, déjà fragilisés. Le placement en redressement judiciaire de deux sites Jingjiang (FVM dans la Meuse et SAM dans l’Aveyron) en janvier, et les PSE annoncés par Hutchinson à Tours en septembre et par Autoliv Isodelta à Poitiers en novembre sont autant de manifestations de ces difficultés.
Aux baisses de marché conjoncturelles et structurelles s’ajoutent les effets du développement de capacités en périphérie de l’Europe (comme à Kénitra au Maroc) et d’approvisionnements hors d’Europe (Chine, Inde). La transition vers l’électrique à marche forcée (enjeux de pénalités en Europe) vont conduire certains constructeurs, pour préserver leurs marges, à de nouveaux choix de localisation dont pourrait souffrir les effectifs de la filière en France.
Ces ingrédients renforcent la fragilité déjà grande de la filière automobile française. Face à la pression des investisseurs financiers, de nombreuses entreprises ne sortiront pas indemnes des restructurations massives engagées à tous les niveaux.
En attendant, les premiers chiffres 2019 dressent un panorama ambigu de l’automobile. Comparées aux neuf premiers mois 2018, les ventes mondiales se replient (-6%), avec des baisses marquées en Chine (-10%) et en Inde (-15%), traditionnels moteurs de la croissance. En recul modéré (-1%), les immatriculations européennes sont principalement soutenues par les pays de l’Est, toujours en croissance, et par l’Allemagne grâce aux mesures prises par le gouvernement (+3%). Au Royaume-Uni et en Italie, la diminution est plus forte tandis que la France est stable.
Au-delà de la baisse – prévisible dans un contexte de fin de cycle –, d’autres informations qui la nuancent sont à retenir pour 2019. Tout d’abord, pour l’Europe, la comparaison 2018/2019 est faussée par l’excellent premier semestre 2018, dopé par les immatriculations constructeurs en anticipation du passage au nouveau plafond d’émissions de NOx. Par ailleurs, en Europe comme dans d’autres régions du monde, la composition des ventes se traduit par une augmentation de leur valeur, tirée par les utilitaires légers en Europe ou aux États-Unis et par les gros véhicules au Japon. Enfin, l’évolution la plus significative est sans aucun doute le doublement au niveau mondial des ventes de véhicules électriques. La Chine, qui représente la moitié des ventes mondiales, multiplie par plus de 2 ses immatriculations dans l’électrique et établit sa stratégie sur ce terrain.
L’électrification commence à transformer le paysage automobile... sur un marché toujours dominé par la croissance des ventes de SUV. Y a-til une limite à la schizophrénie ?
LA CHINE, MARCHÉ MATURE ET DÉSORMAIS PÔLE DE DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE
La Chine retient l’attention, car elle représente environ 30% du marché mondial et a connu une croissance particulièrement soutenue pendant 10 ans. Elle fait toutefois face aujourd’hui à différents phénomènes en partie conjoncturels : les tensions commerciales avec les États-Unis, des incitations gouvernementales partiellement répercutées sur les prix de vente, des possibilités d’emprunts plus limitées et des effets de déstockage liés au lancement de la norme « China State 6 ». Si l’on en croit le cabinet de prévision IHS, ces effets commenceront à s’estomper fin 2019, et l’année 2020 serait stable avant un rebond modéré. La croissance annuelle de la Chine devrait désormais avoisiner 3%, et non plus être à deux chiffres comme par le passé. La Chine devient un marché mature !
Par ailleurs, le gouvernement chinois ne souhaite plus soutenir la croissance coûte que coûte. Sa préoccupation première est d’encourager une consolidation du secteur. Les entreprises nationales seront probablement les grandes gagnantes de ce mouvement. En effet, parmi les 200 constructeurs présents sur son immense territoire, beaucoup sont de petite taille et fragiles économiquement. En parallèle, l’État met l’accent sur le véhicule électrique pour prendre le leadership mondial en volume et technologique. Désormais, les seules augmentations de capacités autorisées sont celles portant sur la production de véhicules électriques. À titre d’exemple, FAW, Dongfeng et Changan vont coopérer au travers d’un centre de R&D commun, axé sur les véhicules connectés/autonomes et électriques. Peut-on imaginer que des projets de R&D communs puissent être aussi menés au niveau européen ?