Filière auto : creux conjoncturel ou fin d’un cycle ?
L’année 2018 s’achève sur une très faible croissance dans le secteur automobile mondial et européen, avec un creux au second semestre. Pourtant, il nous semble qu’il faut distinguer les causes d’un ralentissement conjoncturel des facteurs structurels de mutation de la filière. Cette distinction nous paraît nécessaire pour comprendre les menaces, les opportunités... et les enjeux pour les salariés de la filière.
Depuis 2014, le marché européen a connu un net rebond. Il constitue, avec la Chine, l’un des principaux moteurs de la croissance mondiale. Le ralentissement de 2018 pourrait marquer la fin de ce cycle de croissance. La première moitié de l’année a confirmé la bonne tenue du marché, avec une augmentation des volumes de 4,5%, contre 3% les années précédentes. Cette évolution repose notamment sur la Chine (+5%), sur l’Europe (+4% hors Royaume-Uni), ainsi que sur une reprise dans deux des principaux pays émergents, le Brésil, et la Russie.
RALENTISSEMENT
Toutefois, 2018 s’achève sur de très faibles taux de croissance. Deux des zones de progression ont en effet marqué le pas. D’une part, en Chine, les prévisions de croissance ont été revues à la baisse et limitées à +1,5% sur l’année 2018. Cela tient largement au niveau d’endettement des ménages.
D’autre part en Europe, les contre-performances depuis septembre ont eu raison de la croissance selon les derniers chiffres de l’ACEA¹ (et il est prévu que le marché européen reste stable en 2019). Deux explications à cela : les nouvelles règles d’homologation des véhicules (cycle WLTP)² ainsi que l’entrée en vigueur, en septembre, de la norme EURO 6d temp, qui impose de nouveaux équipements sur la ligne moteur. Ces deux facteurs ont dopé la production avant le passage aux nouveaux cadres, créant un ralentissement conjoncturel par la suite.
Les fins d’année dans le secteur automobile étant généralement moins dynamiques, les effets des changements réglementaires se traduisent par un dernier trimestre 2018 particulièrement bas. Cela explique les nombreuses annonces de chômage partiel, sources d’inquiétude dans les entreprises, que vous avez peut-être vécu dans votre établissement.
INQUIÉTUDES
À moyen terme, des inquiétudes plus profondes mettent les acteurs sous tension. En effet, ce creux apparaît alors que plusieurs acteurs ont révisé à la baisse leurs prévisions de résultat et ont vu leur « capitalisation boursière » s’effondrer en 2018. Plus que le ralentissement conjoncturel, une des raisons principales tient aux importants efforts d’investissement sur des innovations majeures (véhicules connectés et autonomes, électrification), dont la rentabilité est incertaine. Cet enjeu est au cœur d’une recomposition de la filière que nous évoquons dans l’article suivant. Il y a là plusieurs changements. Mais certains acteurs, constructeurs notamment, ont pu en amplifier les signaux, de façon à exercer une pression sur la Communauté européenne, dans une période où elle décidait des objectifs de réduction des niveaux d’émissions polluantes. En définitive, les rejets de CO2 des voitures neuves devront diminuer de 37,5% à l’horizon 2030 (par rapport à 2021).
¹ +0,1% dans l’UE, pour les véhicules particuliers sur l’année 2018, +1,6% hors Royaume-Uni. https://www.acea.be/press-releases/article/passenger-car-registrations-…
² Il s’agit d’un nouveau système de mesure des consommations et des émissions à l’échappement des véhicules.