Télétravail : un accélérateur des troubles psychosociaux ? - épisode 6
Afficher l'article en plein écranNos expertises montrent que, pour les activités qui s’y prêtent, le télétravail est un moyen de gagner en efficacité car les interruptions de tâches sont moins fréquentes, la concentration est meilleure, le temps passé à travailler est accru, et les télétravailleurs.euses peuvent gérer avec davantage de souplesse leurs contraintes personnelles (dépose et récupération des enfants en bas âge, rendez-vous médical, etc.).
Mais ces mêmes facteurs forment aussi un cadre favorable au développement des risques psychosociaux que nous relevons dans nos missions :
- intensité du travail accrue ;
- difficultés à se déconnecter, brouillage des repères temporels ;
- sentiment d’isolement et perte de soutien social liés à l’affaiblissement des collectifs de travail et à des relations hiérarchiques distendues ;
- complexification du travail liée au développement rapide de nouveaux outils souvent déployés sans accompagnement suffisant - formations, guides pratiques, etc. (nous relevons parfois des situations d’insécurité pour certain.e.s salarié.e.s maitrisant mal ces nouveaux outils) ;
- nouvelles contraintes pour les managers de proximité : charge alourdie, difficultés dans l’animation des équipes, pour accompagner des personnes en difficulté, manque d’outils de gestion adaptés...
Ainsi, nous avons constaté de manière récurrente dans nos missions des atteintes à la santé liées au développement du télétravail : sensation de fatigue accrue, troubles du sommeil, migraines, troubles de l’humeur...
Outre ces risques psychosociaux, le télétravail induit également de nouvelles pénibilités physiques. Le télétravail a en effet des effets tangibles sur la santé physique des salarié.e.s.
Nous avons pu constater dans diverses entreprises que le télétravail était à la source de fatigues oculaires, de douleurs au dos, à la nuque ou aux épaules. Les causes de ces troubles physiques sont une mauvaise installation au domicile associée à une forte intensité du travail, davantage de sédentarité et des horaires étendus.
Nous avons questionné dans nos missions les conditions d’installation au domicile pour télétravailler. Même si nos données sont partielles, elles permettent néanmoins de faire certains constats :
- l’équipement en télétravail est déterminant dans la survenue de troubles musculosquelettiques ;
- cela repose en grande partie sur la possibilité qu’ont les salariés de dédier un espace de leur domicile au télétravail et de pouvoir y installer un poste de travail complet (plan de travail suffisamment large et profond et à bonne hauteur, siège adapté, etc.) ;
- si dans la majorité des cas, les télétravailleurs.euses indiquent disposer d’une pièce isolée pour télétravailler, l’équipement est en revanche souvent insuffisant : siège ergonomique, clavier déporté, casque audio, écran déporté...
Le plus souvent, les effets délétères d’un télétravail mal accompagné et mal régulé se traduisent par une combinaison de troubles psychosociaux et de troubles musculosquelettiques.
Ces effets négatifs du télétravail permettent de comprendre pourquoi les salarié.e.s interrogé.e.s sur leurs souhaits en matière de rythme de télétravail indiquent très majoritairement une fréquence comprise entre deux et trois jours par semaine et non un passage en télétravail permanent.
Un manque d'accompagnement et de prise en compte des nouveaux enjeux organisationnels liés au travail en mode "hybride"
Nos expertises montrent par ailleurs que ces effets délétères du télétravail sont aussi les conséquences d’un manque d’accompagnement à plusieurs niveaux : accompagnement matériel, régulation de la charge de travail, formation des salarié.e.s et des managers.
- Le manque d’accompagnement matériel se traduit par une installation au domicile inadaptée et des équipements insuffisants.
- Un défaut de suivi et de régulation de la charge de travail
- Un manque de formation, en particulier concernant l’usage des nouveaux outils et l’organisation du travail en mode hybride.
Plus globalement, le développement du télétravail et le déploiement des projets de flex office semblent rarement procéder d’une véritable conduite de projet intégrant tous les enjeux d’évolution de l’organisation, en particulier :
- l’aménagement d’espaces de travail adaptés aux nouveaux modes de travail
- l’évolution de la posture et des pratiques managériales
- l’adaptation des outils de travail
- le maintien de la dynamique collective de travail.