Quel bilan et points de vigilance des premiers accords APLD signés ?
Afficher l'article en plein écranNos expertes du social, Christelle Prévitali et Kristell Lucas, ont analysé une vingtaine d'accords d'activité partielle longue durée. Quels sont les premiers enseignements à en tirer et éléments manquants observés ?
Quelles sont les grandes conclusions que vous pouvez tirer des premiers accord APLD étudiés ?
L’ampleur de la crise économique qui affecte la plupart des secteurs (à des degrés différents qu’il faut apprécier sur le terrain) a nécessité d’adapter des dispositifs existants au travers de l’activité partielle. L’APLD est un des dispositifs qui répond à cette situation. Un grand nombre de négociations se sont ouvertes sur le sujet depuis août dernier. La plupart des accords ou projets d’accords se saisissent du dispositif dans la souplesse qu’il procure mais s’engagent in fine a minima sur les contreparties, qu’il s’agisse de véritables garanties à maintenir l’emploi ou encore de formation. Dans la même logique, les clauses facultatives et notamment celles qui prévoient de proportionner les efforts des dirigeants et actionnaires à ceux des salariés sont, dans la très grande majorité des cas, oubliées.
Diriez-vous que ces accords sont plutôt favorables pour les salariés ? en quoi ?
Ce dispositif vise - en premier lieu - la préservation de l'emploi et des compétences contrairement à d'autres dispositifs de restructurations plus lourd (RCC, PDV, PSE et même dans une certaine mesure APC....), ce qui constitue une forme – au moins sur le principe - de sécurisation pour les salariés.
Certains accords limitent, toutefois, les engagements de maintien dans l’emploi aux salariés soumis à l’APLD pendant que ce dispositif s’applique ; cela revient à garantir le maintien de l’emploi uniquement pendant la durée d’application de l’APLD et pas plus. Un accord équilibré pour les salariés et assurant la pérennité des emplois doit bien verrouiller à la fois le périmètre - pour que tous les salariés soient couverts par ces engagements - et la durée d’application des engagements de maintien de l’emploi.
Le levier de la formation est inscrit comme un principe mais rarement comme un engagement opérationnel, alors qu’elle constitue un véritable outil de sécurisation des parcours des salariés.
Or on constate que peu d’accords ou de projets d’accords cadrent le volume/ nature des formations et la population concernée, et encore moins prévoient une indemnisation au-delà de l’indemnisation légale pour les salarié.e.s en formation.
Quels sont les éléments manquants que vous avez pu observer ? Comment y remédier ?
Le diagnostic économique et financier et les perspectives à partager avec les partenaires sociaux sont beaucoup trop incomplets. Certes, l’incertitude et l’aléa des prévisions sont plus forts et il faut en tenir compte. Mais l’absence de chiffrage ou de scénarios interroge la loyauté de la négociation et de l’information-consultation du CSE, surtout dans un contexte où les représentants des salariés sont face à des choix et des pressions très fortes. Ce point est d’autant plus important depuis le décret du 29 septembre dernier, qui conditionne l’application des sanctions financières à l’évolution de la situation économiques et perspectives d’activité.
Peu d’accords ou de projets d’accords définissent ou projettent les taux d’activité et les modalités opérationnelles de mise en oeuvre de cette activité réduite. Or ce dispositif ne peut conduire à une individualisation de la mesure ; ce n’est pas légal. Il est nécessaire de définir précisément les collectifs de travail qui seront concernés et de donner à voir les régulations collectives qui s’opéreront, au risque de constater un traitement inéquitable dans le placement en APLD.
Les organisations syndicales et CSE doivent porter tous ces éléments lors des échanges avec la direction et les consigner dans les PV de CSE, y compris dans la perspective du relais que pourrait constituer l’autorité administrative – la Direccte – dans son rôle de contrôle du respect des engagements de chacun et du respect de la loyauté de la négociation et de l’information-consultation du CSE.
Enfin, et c’est probablement la contrepartie aux efforts consentis par les salariés et aux aides apportées par l’Etat aux entreprises, l’inscription de clauses de retour à meilleure fortune constituerait dans les accords un juste retour des choses pour les salariés.