Le Mag n°5 - Sur le terrain "les salariés s'arrêtaient plutôt que de dire leur mal-être"
Afficher l'article en plein écranLutter contre les risques psychosociaux est une tâche au long-cours pour les représentants des salariés, et un souci d’agir partagé dans l’entreprise s’avère nécessaire pour engager une démarche efficace.
Récit de Charles Barault, élu CFDT et ancien secrétaire du CHSCT dans une forge industrielle.
« Il a fallu au CHSCT quelque temps pour prendre conscience d’un problème de risques psychosociaux : si les collègues nous confiaient assez facilement leur ras-le-bol, le CHSCT n’avait pas toujours connaissance des cas de dépressions. Dans certains services, les salariés préféraient se mettre en arrêt maladie plutôt que de dire leur mal-être. À cette époque, entre 2015 et 2017, il y avait beaucoup de turn-over sur le site, notamment dans le management et à la direction. Cet éternel renouvellement des fonctions et du travail mettait à mal tous les salariés.
DU CONSTAT À L’EXPERTISE
Comme les signaux se multipliaient, nous nous sommes mis en relation avec la médecine du travail afin d’avoir plus d’informations sur les accidents et maladies sur le site. Cela nous a permis de déduire que plusieurs cas d’arrêts ou maladie étaient liés à des risques psychosociaux. Ce constat ainsi qu’une suspicion de harcèlement
moral et un cas grave de burnout nous ont poussés à demander une expertise à la direction. Menée par une personne de l’entreprise spécialisée dans le domaine, celle-ci a permis une amélioration pendant quelques mois. Mais faute de régler le problème en profondeur, ça a eu vite fait de retomber.
Après plusieurs refus, le CHCST a pu, avec l’appui de la direction parisienne, lancer une expertise Risque grave avec Syndex en 2017. La direction locale venait de changer. Parce qu’elle avait tout à gagner à ce que la situation s’améliore, elle a laissé faire l’expertise – à condition que cela ne sorte pas de l’entreprise. Le président du CHSCT, qui s’est impliqué, a facilité les entretiens dont la réalisation était freinée par les n+1 pour qui la production était prioritaire. Le rendu de l’expertise, en mars 2018, a confirmé les faits que nous signalions depuis deux ans et sur lesquels plusieurs réunions exceptionnelles avaient déjà été organisées. C’était une pierre de plus à mettre de notre côté.
PLAN D’ACTIONS
Les préconisations de Syndex ont été suivies. Une commission RPS a été créée pour traiter les situations au cas par cas. Chacun peut la saisir ou lui signaler un problème. Le temps de la cellule d’écoute, doublé, est passé à une journée par mois. Par ailleurs, une grille d’évaluation des risques psychosociaux, jusque-là absents du document unique et des travaux du service HSE, a été mise en au point. Elle est utilisée deux fois par an pour suivre l’évolution de la situation. Enfin, des mesures ont été prises pour améliorer les conditions de travail : des embauches et la création de « plateaux projets » ont aidé à réduire les contraintes qui pesaient sur les salariés. S’y ajoute un travail – de longue haleine – pour sortir du flou autour des rôles et responsabilités dans les équipes.
Aujourd’hui, tout n’est pas réglé, mais le travail du CHSCT puis l’intervention de Syndex ont permis de bouger les lignes rapidement pour les problèmes les plus urgents. Même si les salariés ont retrouvé l’envie d’avancer, le CSE doit rester vigilant et à l’écoute du terrain. »