Interview croisée : Yabuko-Syndex sur l'importance des PV de CSE
Afficher l'article en plein écranLe Code du travail (art. D2315-27 modifié par le Décret n° 2017-1819 du 29/12/2017) permet le recours à l’enregistrement et à la rédaction des PV des séances du comité social et économique.
Dans quelles conditions cet enregistrement doit-il s’effectuer ? L’employeur ou les élus peuvent-ils s’y opposer ? Qui doit prendre en charge les frais liés à l’éventuel enregistrement des séances de CSE ?
Pétra Hermain, Yabuko (PH) : L’enregistrement ne peut s’effectuer que si les élus du CSE y sont majoritairement favorables. Il doit donc faire l’objet d’un vote ou être inscrit dans le Règlement intérieur du CSE.
Gwenola Deroo, Syndex (GD) : Dans les faits, c’est souvent l’employeur qui s’oppose à l’enregistrement. Or, sauf lorsque les délibérations portent sur des informations revêtant un caractère confidentiel au sens de l'article L. 2315-3 et/ou qu’il les présente comme telles, il ne peut pas légalement refuser un enregistrement. Celui-ci revêt d’ailleurs une grande importance.
PH : Je confirme que l’enregistrement est très utile pour les secrétaires de CSE. Ce sont des acteurs qui se trouvent au cœur du dialogue social et qui doivent être partie prenante des échanges. S’ils n’enregistrent pas la réunion ou ne font pas appel à un prestataire, ils passent leur réunion à prendre des notes.
GD : Parmi les CSE que je suis, je peux en citer un où la secrétaire est tellement occupée par la prise de notes qu’elle ne peut pas participer correctement aux débats en séance.
PH : Concernant les frais d’enregistrement et de rédaction, cela dépend : si la décision de recourir à un enregistrement ou à un prestataire émane de l’Employeur, c’est à lui de prendre en charge le coût, selon le Code du travail. Mais la plupart du temps, la décision émane des CSE. Dès lors, ce sont eux qui assument les frais sur leur budget de fonctionnement. Dans la pratique, nous constatons que certains CSE s’accordent avec les Directions pour partager le coût de rédaction des procès-verbaux. Tout dépend principalement de l’état des relations sociales.
Les débats en CSE abordent régulièrement des sujets « stratégiques » pour les entreprises et présentent parfois des informations qui revêtent un caractère jugé « confidentiel » par l’employeur. Dans quelle mesure et dans quel cadre les élus du CSE doivent-ils respecter un devoir de confidentialité sur le contenu des séances de CSE ? Sont-ils tenus au respect du secret professionnel ?
GD : Ce sujet revient très souvent et pose parfois un problème, car il bride les possibilités de communication du CSE à l’égard des salariés. En effet, de plus en plus de Directions assurent que des informations émises en séance sont confidentielles. Cela peut nuire aux prérogatives du CSE.
Pour être considéré comme confidentiel, un point doit, s’il venait à être révélé, porter un réel préjudice à l’entreprise. De plus, l’employeur doit clairement indiquer son caractère confidentiel. Le secret professionnel, quant à lui, ne concerne que les secrets de fabrication.
PH : C’est l’article L2315-3 du Code du travail qui régit ce sujet. Les élus du CSE sont tenus au respect du secret professionnel. Ils ont surtout une obligation de discrétion vis-à-vis des informations qui leur sont communiquées par l’employeur.
Concernant l’obligation de discrétion, elle doit porter sur les informations objectivement confidentielles, dont la divulgation pourrait nuire aux intérêts de l’entreprise.
Lors d’une séance de CSE, l’employeur est tenu de notifier la confidentialité des informations au moment où ces informations sont présentées ou en précisant verbalement leur teneur confidentielle. Cette mention doit obligatoirement figurer au procès-verbal afin d’en expurger le contenu dans la version approuvée et diffusée.
GD : Par ailleurs, l’employeur ne peut pas non plus décider que toutes les informations présentées et diffusées en CSE sont confidentielles. Cela doit rester exceptionnel ou cantonné à certains sujets.
Comment la SCOP YABUKO garantit-elle le respect de la confidentialité des échanges dans son intervention ?
PH : Le rôle des rédacteurs de YABUKO consiste à notifier au procès-verbal que telle ou telle information a été définie comme confidentielle lors de la réunion. Nous mettons en exergue ces informations, par exemple, en les surlignant. Charge ensuite au secrétaire du CSE de les faire apparaître ou non dans le procès-verbal.
C’est à ce niveau que les CSE peuvent être confrontés à une problématique : dans la pratique, le procès-verbal de réunion remplit deux objectifs : informer les salariés et servir de mémoire aux élus du CSE. Or, si les informations confidentielles présentées par l’employeur ne peuvent pas être communiquées aux salariés, elles doivent tout de même être discutées avec les élus et être restituées dans le PV.
Dans ce cas, le secrétaire du CSE peut créer deux procès-verbaux : le premier sans les informations confidentielles, diffusé aux salariés et le second, avec les informations confidentielles, mais circonscrit aux élus du CSE et aux représentants de la direction. Ce dernier PV sera versé dans la BDESE (Base de Données Economique, Sociale et Environnementale).
GD : En tant qu’experts auprès des CSE, nous préconisons effectivement la rédaction de deux versions du procès-verbal. Une version longue, plus exhaustive, constitue un outil juridique qui peut servir lors d’une procédure de consultation ou d’un contentieux par exemple. Il permet de se référer aux informations communiquées.
Mais dans les faits, nous constatons que les CSE ne rédigent qu’une seule version du procès-verbal. Ils ont tendance à respecter, sans questionner, les consignes de la direction qui signale la confidentialité de certains propos et réclame qu’ils ne figurent pas au procès-verbal de la réunion.
PH : Il est important de noter que l’obligation de discrétion s’étend aux prestataires de rédaction. Concrètement, cette obligation est formalisée par un accord de confidentialité, signé avec tous nos clients, qui nous engage aux mêmes obligations de discrétion que les élus du CSE.
Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) est entré en vigueur au sein de l’Union européenne en mai 2018. En France, la loi sur la protection des données personnelles transpose ses directives dans le droit national. Le CSE doit-il veiller à protéger les données personnelles qu’il recueille dans le cadre de ses activités ?
PH : Les CSE sont amenés à collecter des données individuelles dans le cadre de leurs activités sociales et culturelles (ASC) et de fonctionnement : il est donc important qu’ils se conforment à la règlementation (RGPD), car ils s’exposent à des contrôles, notamment de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL).
Comment les rédacteurs de Yabuko prennent-ils ce sujet en compte lors de leurs missions de rédaction auprès des CSE ?
PH : Nous ne recueillons pas les données évoquées lors des réunions de CSE : les procès-verbaux et les enregistrements des réunions sont systématiquement détruits. La confidentialité et le respect du RGPD sont déterminants pour les sociétés de rédaction, car nous passons notre temps à écouter et restituer des informations, dont certaines sont très sensibles.
Le Code du travail définit le secrétaire du CSE comme responsable de l’établissement des procès-verbaux de séance. Mais, doit-il obligatoirement signer et valider ces PV ? Un autre membre de l’instance peut-il bénéficier d’une délégation de signature et de validation ? La Direction doit-elle, elle aussi, signer et valider les procès-verbaux ? Les CSE peuvent-ils communiquer des informations aux salariés avant la diffusion du PV ?
GD : Nous constatons une grande méconnaissance sur ce sujet au cours de nos expertises et de nos formations. Parfois, le CSE ne prend pas lui-même en charge la rédaction du procès-verbal. Or, le secrétaire en est légalement responsable.
Sur la question de l’adoption du PV, elle se passe parfois entre le secrétaire du CSE et la direction dans le bureau de cette dernière. Dès lors, elle ne s’effectue pas en séance. Pourtant, le procès-verbal doit systématiquement être adopté lors de la séance suivante. C’est même le premier point à faire figurer à l’ordre du jour.
Par ailleurs, beaucoup de CSE considèrent que l’employeur dispose d’une voix prépondérante qui pourrait bloquer l’adoption d’un procès-verbal. Or, ce sont tous les membres titulaires qui votent. Si une majorité des membres de l’instance est favorable à l’adoption, la direction ne peut pas s’y opposer, sauf à ce que, comme évoqué ci-avant, le PV fasse état de données confidentielles.
PH : D’un point de vue légal, l’adoption du procès-verbal par le CSE est nécessaire, pas la signature. En l’absence d’adoption, le procès-verbal ne peut pas être diffusé. Dans la pratique, le procès-verbal est souvent signé par le secrétaire du CSE une fois que les élus et les représentants de la Direction y ont apporté leurs propositions de modification.
GD : Si un employeur n’est pas d’accord avec ce qui est écrit dans un procès-verbal, il doit le signaler lors de la séance suivante. Ainsi, son désaccord sera notifié dans le procès-verbal de cette nouvelle réunion.
PH : En cas de désaccord, les deux parties doivent retrouver leurs positions et leurs arguments dans le PV. Un prestataire externe de rédaction pourra se porter garant de la restitution des différents points de vue, de la manière la plus objective possible et sans prendre parti.
GD : Si certaines informations présentent un caractère d’urgence, les élus doivent s'accorder avec les membres du CSE et surtout l'employeur en réunion pour pouvoir transmettre certaines informations avant l’approbation du procès-verbal, Nous les incitons à y procéder de manière prudente et en respectant l’éventuelle confidentialité de certains éléments.
PH : Ces précautions étant respectées YABUKO propose à ce sujet des comptes rendus visuels, mélangeant infographie et traitement de texte, qui permettent de prendre rapidement connaissance des sujets discutés.