IA et travail : une nouvelle révolution ?
Afficher l'article en plein écranSi la transition numérique n’est pas un sujet nouveau pour les entreprises, l’arrivée de l’IA dite générative change la donne. Au-delà de l’effet de mode, l’IA affecte potentiellement toutes les catégories professionnelles maintenant qu’elle est devenue accessible : ouvriers, maîtrise, cadres comme employeurs.
A-t-elle pour but de remplacer, d’assister ou «d’augmenter » le salarié ? Les impacts des systèmes d’IA sur le travail et son organisation doivent être questionnés, tout comme leur gouvernance, leurs conséquences sur l’environnement, les modèles économiques et la productivité. Quels sont les leviers d’action pour les représentants du personnel lorsque leur entreprise met en place des dispositifs s’appuyant sur de l’intelligence artificielle ?
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Intelligence artificielle : de quoi parle-t-on ?
Le terme « Intelligence artificielle » désigne la capacité d’un logiciel ou d’une machine à exécuter des fonctions généralement associées à des fonctions cognitives humaines, telles que le raisonnement et l’apprentissage. Cela englobe un éventail de de techniques, allant de l’apprentissage automatique à la robotique, en passant par la reconnaissance d’images et le traitement du langage naturel.
Ces outils permettent une prise de décision plus ou moins automatisée et le font avec un certain degré d’autonomie.
L’IA générative – la plus récente, popularisée par chat GPT - va au-delà de la simple interprétation de données pour créer du contenu.
L’IA est constituée de trois éléments de base :
- l’algorithme : il s’agit d’un ensemble d’instructions et d’opérations ordonnées écrites (comme pour une recette de cuisine, une formule sur Excel, ou une ligne de code)
- des données : la prolifération d’outils numériques connectés, de capteurs ou encore de caméras permet maintenant d’amasser et stocker une quantité très importante de données. Pour alimenter et entraîner l’algorithme, il faut qu’elles soient nombreuses et pertinentes.
- des statistiques : c’est-à-dire l’interprétation des données, qui nécessitent une forte puissance de calcul des processeurs, qui a considérablement augmenté ces dernières années.
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Parce qu’elle donne les réponses les plus probables, l’IA peut être sujette aux « hallucinations », terme qui désigne une réponse erronée bien que la plus probable. L’intelligence humaine pour les contrôler reste indispensable. Pour reprendre les mots de Salima Benhamou, de France Stratégie, « L’IA n’est donc pas une technologie autonome, capable de penser par elle-même et de faire preuve d’imagination et de créativité. Ces compétences sont fondamentalement sociales et propres à l’humain. »
Par ailleurs, l’IA est devenue un produit sur un marché très compétitif, avec d’importants enjeux financiers pour les acteurs en présence.
Les enjeux autour de l’IA
L’intelligence artificielle a des effets divers encore compliqués à mesurer, mais ils peuvent être questionnés par les élus lorsqu’elle est introduite dans leur entreprise.
1. AUTOMATISATION TOTALE OU COMPLÉMENTARITÉ ?
Générer de la connaissance, faire correspondre des offres à des besoins (matching), prédire, recommander, et aider à la décision : autant de tâches que peut réaliser l’IA dans le monde du travail. Tout exercice de prospective sur l’emploi est pour le moment hasardeux, mais il est possible d’approcher, pour un métier donné, son exposition à l’IA.
- Si une part importante des tâches qui constituent une profession peut être effectuée par l’IA, cette profession a un potentiel de remplacement par l’IA. L’estimation du nombre d’emplois qui pourraient être concernés ne fait pas consensus, mais il est possible de donner en exemple des métiers exposés. C’est le cas de ceux de la traduction.
- En revanche, si une profession est composée de quelques tâches automatisables, mais d’une majorité de tâches difficiles à automatiser, elle a un potentiel d’amélioration par l’IA : l’automatisation de certaines tâches permet de libérer du temps pour d’autres. Cependant, si les tâches purement répétitives sont déléguées à la machine, laissant à l’humain que celles cognitivement intensives, on s’expose à un risque encore plus élevé de fatigue intellectuelle, car les premières permettent d’alléger la pression.
2. L’INTERACTION PERSONNE-MACHINE
L’IA transforme, ou va transformer, une grande partie des emplois en modifiant plus ou moins fortement les tâches à réaliser au quotidien. La collaboration avec l’IA peut conduire, sur certains aspects, à davantage de réflexion, de pilotage mais également, sur d’autres aspects, à une perte d’autonomie dans la prise de décision, avec un risque de déqualification. L’IA peut aussi réduire des contraintes physiques, par exemple dans la logistique. Elle génère un besoin de collecte, de sélection et d’entrainement des données, puis de contrôle humain du résultat avant et après le déploiement. Toutes les étapes de mise en place d’une IA ne sont pas toujours affichées dans les différents projets. Or ceux-ci ne ressemblent pas aux projets informatiques habituels, dont les process de gestion bien définis. Les évolutions sont très rapides et certaines IA sont accessibles à tous et toutes les salariés, qui les utilisent sans forcément en connaître toutes les limites. Enfin, les écarts d’appropriation des systèmes d’IA peuvent conduire à ce que des salariés soient progressivement déclassés.
3. LA QUESTION DES COMPÉTENCES
Les enjeux d’acculturation et de formation de tous les salariés sont primordiaux face à l’introduction de l’IA. Mais l’impact de la technologie sur les compétences reste à interroger. Sur les métiers d’analyse, dans la banque par exemple, la valeur ajoutée vient de l’expertise. Pour parvenir à cette expertise, acquise par l’expérience, il a bien fallu apprendre le métier progressivement, en commençant par des tâches plus simples. Or, les profils entrants, dits « juniors », peuvent désormais être remplacés par l’IA. Par exemple, la compilation d’articles et de notes en vue de construire un avis sur un secteur. Dès lors, comment les entreprises seront-elles capables de générer leurs futurs profils experts sans strate d’apprentissage dans le parcours professionnel ? Quelles seront les portes d’entrée pour les jeunes diplômés ?
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Leviers d’action pour les IRP
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