Guerre en Ukraine : la mesure de la dépendance automobile aux ressources russes
Afficher l'article en plein écranEn dépit d’une faible dépendance à l’égard de la Russie et a fortiori de l’Ukraine, l’industrie automobile française comme européenne subira les effets du conflit, qu’ils découlent des arrêts de production ou des sanctions commerciales. Nos experts vous livrent quelques points de repère, quand bien même il est trop tôt pour vouloir prédire tous les impacts du conflit.
Les produits automobiles européens ont une faible dépendance à la Russie et à l’Ukraine
Ukraine et Russie pèsent assez peu dans les échanges avec la France et l’Europe.
- Le marché ukrainien est très limité (100 kV en 2021) et la production de véhicules y est confidentielle (<10 kV). Il n’y a pas d’usines moteurs.
- La Russie a un marché proche de celui de la France (1,7 Mv vendus en 2021) et l’alimente principalement par des véhicules assemblés localement (1,5 Mv produits en 2021) : les échanges avec la Russie représentent ainsi moins de 1% du commerce de l’UE ou de celui de la France. Seule exception, le haut de gamme allemand, dont les exportations vers la Russie représentent 1,8 Md€ pour l’Allemagne. La situation est différente concernant les équipements automobiles, qui s’élèvent à 6-7% des exportations européennes, allemandes ou françaises vers la Russie. Le conflit pourrait donc avoir un impact sur les sous-traitants qui produisent ces équipements, avec des variations selon les programmes et clients.
Mais la guerre pèsera sur les approvisionnements primaires (matières, énergie, composants)...
Peu sensibles côté débouchés pour les véhicules européens, les effets du conflit se feront en revanche nettement sentir en amont de la filière. En cause : les ruptures d’approvisionnement résultant des arrêts de production en Ukraine et de l’arrêt du commerce avec la Russie. Sont concernés :
- en premier lieu, les faisceaux électriques en provenance d’Ukraine, dont les constructeurs allemands en particulier sont très dépendants (premiers arrêts de chaîne liés au câblage électrique, déjà observés ces dernières semaines) ;
- en second lieu les matières premières en provenance de Russie surtout : acier ou aluminium, noir de carbone ou gommes synthétiques dans les produits en caoutchouc, nickel, cobalt ou palladium, mais aussi le néon ukrainien. Autant de nouveaux grains de sable grippant la disponibilité de différents composants, en particulier pour les micro-processeurs ou pour les batteries.
Enfin, le renchérissement du coût de l’énergie pourrait conduire certaines entreprises en Europe à arrêter de produire si elles ne peuvent pas répercuter le surcoût dans le prix de vente.
… et sur l’activité mondiale (mais surtout européenne)
Tirer le fil des approvisionnements n’est qu’une facette du problème. Après la crise sanitaire en 2020, puis en corolaire, celle des semi-conducteurs en 2021 — dont aucune n’est réellement terminée —, la guerre en Ukraine et les tensions géopolitiques mondiales vont de nouveau peser sur les ventes et la production. Selon les prévisions d’IHS, cette dernière devrait reculer de 2,6 MV pour 2022 et 2023, dont les deux tiers en Europe. Ce n’est qu’un ordre de grandeur et il évoluera au fil du temps.
En tout état de cause, chacune de ces crises (sans compter celle climatique) réinterroge la mondialisation et milite pour une relocalisation accélérée et, à tout le moins, pour une sécurisation de la chaîne d’approvisionnement. Elle n’aura cependant pas la même portée, selon qu’on raisonne à l’échelle européenne ou à celle de la France. Dans tous les cas, cela devrait plaider pour freiner de nouveaux choix de délocalisation… ce qui ne semble pas encore avoir atteint le logiciel de certains acteurs.
Le cas Renault, premier constructeur sur le marché russe.
Renault est fragilisé par sa forte présence en Russie dont il détient 29% du marché automobile en 2021 avec environ 500 000 immatriculations par an, principalement sous la marque Lada. Après des années difficiles, Avtovaz améliore chaque année ses performances et le groupe Renault envisageait de poursuivre son développement en Russie. Ces ambitions sont mises à mal par le conflit en Ukraine : Renault devrait être amené à vendre tout ou partie de ses 68% de participation dans Avtovaz et ses actifs en propre.
Quel impact sur la filière ? Le groupe réalise plus d’un tiers de la production russe, devant Hyundai et VAG. Les sites de Togliatti et Izhevsk de sa filiale Avtovaz (Lada) sont approvisionnés en local à 80%. Leur arrêt ne devrait donc pas avoir trop d’impacts sur les fournisseurs étrangers. En revanche, le site Renault de Moscou, qui assemble 136 000 véhicules Renault et Nissan, s’approvisionne pour une large part hors de Russie (taux d’approvisionnement local de 60%, son arrêt devrait par conséquent toucher des fournisseurs européens et français. Des flux de pièces en provenance de la Russie pourraient également être mis à mal ou rapatriés sur d’autres sites.