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Développement du télétravail : quels effets pour les salarié·e·s ? Comment négocier un cadre collectif ?

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Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un·e salarié·e hors de ces locaux en utilisant les technologies de l’information et de la communication de l’entreprise. Dans le contexte de crise sanitaire, le télétravail s’est généralisé et a concerné plusieurs millions de salarié·e·s. Post-déconfinement, il prend de nouvelles formes avec à la fois, et selon les cas,  un maintien d’une pratique quasi généralisée pour certains salarié·e·s et un retour plus ou moins progressif au poste de travail pour d’autres. Quels sont les effets de ce développement sur les salarié·e·s, leurs conditions de travail et leur santé ? Quel rôle pour vous en tant que représentant·e·s du personnel ? Quels mesures et enjeux à négocier dans le cadre de cette transformation ?

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#1 LE CORONARIVUS A ACCÉLÉRÉ LA MISE EN PLACE DU TÉLÉTRAVAIL

Selon une étude publiée en 2019 par la Dares, 3 % des salariés pratiquaient le télétravail au moins une fois par semaine, à raison, pour la grande majorité, d’un ou deux jours par semaine.
Avec la crise sanitaire du Covid, environ 5 millions de salariés, soit 25 % d’entre eux, ont dû télétravailler à leur domicile, souvent dans l’urgence, pendant toute la période de confinement.
S’il est encore trop tôt pour faire un bilan précis et détaillé de cette expérience, la consultation menée par l’Anact pendant la période de confinement indique déjà que 88 % des répondants souhaiteraient poursuivre le télétravail à l’issue de la crise, dont 98 % des télétravailleurs expérimentés et 78 % « seulement » des personnes qui n’avaient pas expérimenté le télétravail avant la crise.

Les principaux avantages mis en avant par les salariés : meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, limiter les temps et les coûts de transport, la fatigue, une plus grande autonomie dans la gestion du temps et des tâches.
Les employeurs y trouvent également des avantages : économies de locaux, de frais de transport et d’hébergement… Des  entreprises comme Facebook ou PSA sont, d’ores et déjà, tentées de pérenniser cette organisation tout au long de l’année, PSA souhaitant, par exemple, généraliser le télétravail à 18 000 salariés (et sur 3,5 voire 4 jours par semaine !). Toutefois, plusieurs études, comme nous le verrons ci-dessous, montrent que pratiqué de manière plus intense et sur une durée plus longue, le télétravail peut être à la source de risques professionnels et générer des atteintes graves à la santé physique et mentale des salariés.

#2 LE DÉVELOPPEMENT DU TÉLÉTRAVAIL : UNE RÉALITÉ MOINS IDYLLIQUE ?

Avant la généralisation du télétravail pendant la période de confinement liée à l’épidémie de coronavirus, l’enquête Obergo avait déjà montré en 2018 que l’exposition aux risques est fortement corrélée au temps de télétravail. Elle met en avant, notamment une augmentation du temps de travail et de la charge de travail ressentie : sur ce dernier point, cet effet est ressenti par 25 % des salariés télétravaillant plus de 2 jours par semaine et 13 % pour ceux télétravaillant 1 à 2 jours.
Et si l’enquête Anact laisse à penser que le télétravail improvisé, mis en place pendant les quelques semaines du confinement, a rendu souhaitable cette forme d’organisation du travail pour une majorité de répondants, elle souligne que :
•    plus de 1 sur 3 travaille à distance dans un environnement de travail inadapté ;
•    48 % ont un sentiment de moindre efficacité au travail (parmi lesquels les personnels ne pratiquant pas le télétravail auparavant sont surreprésentés) ;
•    50 % s’estiment plus fatigués qu’à l’accoutumée – sans qu’il y ait de lien avec la charge de travail perçue (et, parmi eux, davantage de femmes et de manageurs) ;
•    45 % ont le sentiment de travailler « plus » que d’ordinaire (dont une proportion plus importante de manageurs) ; tandis que 36 % ont le sentiment de travailler moins.


#3 LA CRISE A FAIT ÉVOLUER LES PRINCIPES RÉGISSANT LE RECOURS AU TÉLÉTRAVAIL

En principe, le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe. Il répond à plusieurs principes : volontariat, transparence, formalisation, réversibilité...

Dans le contexte de crise sanitaire, le ministère du Travail a considéré début mars « impératif que tous les salariés qui peuvent télétravailler recourent au télétravail jusqu’à nouvel ordre ». Cette situation a conduit à faire évoluer ou à adapter certains des principes évoqués ci-dessus, et notamment le fait que l’employeur puisse imposer, dans le cadre de cette crise, le télétravail à ses salariés et ce de manière généralisée… sans d’ailleurs obligation de prise en charge des frais induits pour les salariés.
 

carto des risques


#4 LA NÉCESSITÉ D’UNE APPROCHE GLOBALE ET D’UN CADRE COLLECTIF POUR LA MISE EN PLACE DU TÉLÉTRAVAIL

Si le télétravail se généralise et devient un phénomène plus répandu qu’auparavant, il ne peut plus se gérer au cas par cas, comme une mesure individuelle d’aménagement du temps de travail. Il doit être construit dans un cadre collectif, appréhendé comme une forme d’organisation du travail particulière à articuler avec la culture, les pratiques et les autres formes d’organisation du travail à l’œuvre dans l’entreprise.
En l’absence d’accord préexistant et dans le contexte actuel de crise sanitaire qui favorise son recours, des négociations devraient s’ouvrir sur le sujet du télétravail.
Par ailleurs, il est vraisemblable que les dispositions d’un accord déjà signé seront à adapter pour répondre au contexte spécifique de télétravail quasi généralisé (via la signature d’un avenant par exemple).

Dès lors que le télétravail a été généralisé par la direction et justifié sous le motif impérieux du ministère, les employeurs n’ont  pas véritablement engagé d’échanges et de négociation (absence d’IC, de charte, de négociation...). Les IRP ont intérêt à demander à mettre en place des règles dans un cadre collectif auquel ils sont associés. Cette situation d’exception ne peut en effet devenir la norme.

CONSEIL SYNDEX

Les 7 dimensions du télétravail présentées ci-dessous peuvent fournir une base de travail pour échanger avec votre direction sur les enjeux du télétravail. Elles peuvent également vous servir à bâtir une trame de questionnaire pour interroger les salariés sur leur expérience du télétravail pendant la période de confinement. Identifier les risques et opportunités liés à cette expérience de télétravail constitue en effet un matériau riche pour recueillir le vécu des salariés ; un diagnostic qui va vous aider à définir les cadres collectifs et les mesures à mettre en œuvre pour répondre aux questions soulevées par ces modifications de l’organisation du travail.

     

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