Automobile : le salut de la filière résiderait dans la fiscalité !?
Afficher l'article en plein écranL’emploi et les volumes renoueront-ils avec la croissance dans les usines des constructeurs en France et, par suite, dans la filière ? C’est ce que prétend une étude de France Stratégie dans son analyse de l’impact sur l’auto des mesures fiscales prises en faveur des entreprises durant le quinquennat Macron : baisse des impôts de production et de l’impôt sur les sociétés.
Nous partageons le constat d’un appauvrissement…
Si nous apportons quelques bémols à la démonstration, nous partageons totalement l’avant-propos de l’étude : l’automobile est à l’origine de près de la moitié de la dégradation du déficit commercial industriel depuis 2000 et explique une large part de la désindustrialisation de la France.
L’étude insiste aussi sur un autre point qui nous tient à cœur : entre 2000 et 2014, le taux d’achat domestique (l’intégration locale) a chuté en France de près de 9 points pour atteindre 56 %, alors qu’il chutait de 5 points en Allemagne pour se situer à 70 %.
En cause, selon France Stratégie :
- d’une part, le coût du travail et la fiscalité, qui expliquent quasiment l’intégralité du déficit d’attractivité de la France…
- et, d’autre part, la faiblesse des volumes produits sur le territoire, qui pénalise fortement l’Hexagone vis-à-vis de pays qui ont des coûts élevés mais ont su garder une industrie forte (notamment l’Allemagne et le Japon).
… pas nécessairement toute l’analyse des causes des délocalisations ou ses conclusions
Ainsi, le coût du travail et la fiscalité expliqueraient les délocalisations et donc la baisse de la production automobile en France. Nous ne partageons pas cette analyse :
- l’étude n’explique pas pourquoi la France a enregistré une telle chute de la production, quand la plupart des pays européens, même classés « hauts coûts », ont retrouvé des niveaux supérieurs à celui du début des années 2000 ;
- centrée sur l’assemblage automobile (constructeurs), elle n’explique pas non plus pourquoi, dans un même contexte national, avec la même fiscalité et le même coût du travail, les autres industries en France n’ont pas connu un recul équivalent sur la dernière décennie.
Selon nous, d’autres facteurs expliquent également ce déclin automobile, notamment le désinvestissement du haut de gamme et certaines options particulières prises par les constructeurs français (l’étude suppose pour des raisons méthodologiques que tous les constructeurs adoptent la même rationalité économique, ce dont nous doutons).
Par ailleurs, doit-on se réjouir de la diminution des impôts dans la mesure où elle prive la collectivité publique d’investir dans les atouts de l’attractivité française (ce que rappelle l’article), c’est-à-dire ses infrastructures éducatives, logistiques, de recherche… Faut-il adopter ces baisses qui sont des chèques en blanc, plutôt que des aides accordées en contrepartie de mesures concrètes d’embauches ou d’investissements (productifs ou en R&D) ?
Une attente d’effets positifs des baisses fiscales…
L’étude anticipe une hausse des volumes de production découlant des mesures de réduction de l’impôt sur les sociétés (de 33% à 25% entre 2018 et 2022) et des impôts de production. Elle est en revanche plus prudente sur l’effet positif des baisses de cotisations sociales (déjà menée dans la transformation du CICE) ou des aides à la R&D (qui en améliorant la compétitivité des constructeurs français, profitent majoritairement à leurs sites étrangers).
La hausse des volumes de production anticipée par France Stratégie conduirait à une réduction par trois du déficit commercial et serait susceptible de réenclencher un cercle vertueux en permettant des gains de productivité, qui à leur tour motiveront de nouveaux choix d’allocation locale.
Au final, l’effet combiné des mesures conduirait à 400 kV de plus, soit 19 000 emplois supplémentaires chez les constructeurs… et donc 4 fois plus à l’échelle de la filière si on se base sur les ratios habituels.
… qui engage la responsabilité sociétale des grands donneurs d’ordres
Toutefois, l’étude souligne que l’impact serait plus faible avec le mouvement d’électrification, qui s’il n’affecte pas nécessairement les besoins de main-d’œuvre pour l’assemblage, tirera moins l’emploi des segments amont. Certes ! Mais si l’électrique a un moindre contenu en emploi, ne pas investir ce segment en restant campé sur le thermique aura un impact encore plus négatif au vu des normes qui s’appliqueront en Europe.
Par ailleurs, commençons par voir si les allègements fiscaux concédés aux entreprises se traduisent effectivement par un rebond des ambitions des constructeurs (et pas uniquement dans des hypothèses économétriques), avant de rendre l’électrification responsable d’une baisse des emplois.
Il sera alors temps de vérifier la responsabilité sociétale des grands donneurs d’ordres, et d’espérer, au travers des gains en coûts et productivité et d’enjeux de souveraineté autant qu’environnementaux, que le taux d’intégration locale remonte suffisamment pour aider à un certain maintien de l’emploi. Avoir un taux d’achats domestiques élevé est certainement plus facile à obtenir sur une filière en cours de structuration.
On voudrait croire que la dynamique prise par Renault et Luca de Meo dans le projet ElectriCity est de nature à impulser ce cercle vertueux volumes / compétitivité, avec un impact local fort. Quid du côté de Stellantis ?